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je préfère le penser... à mon image :
complexe, éclectique, et forcément fait d'un peu de tout.

mercredi 10 mars 2021

On meurt "mal" en France ?

 Je viens de lire l'édito du journal "La Croix", quotidien catholique, à paraître demain, signé Guillaume Goubert. Et je ne peux que me poser un certain nombre de questions.

Demain, jeudi 11 mars 2021, le Sénat doit débattre d'une proposition de loi "visant à établir le droit à mourir dans la dignité". Cet intitulé, tout le monde le sait, maintenant, n'est rien d'autre qu'un joli enrobage pour parler d'euthanasie. Telle un serpent de mer, l'euthanasie refait ainsi régulièrement surface dans l'actualité, comme au moment de l'agonie de Vincent Lambert, il y a un peu moins de deux ans, en juillet 2019. La situation de cet homme, victime d'un accident de la route et en état végétatif pendant onze ans, a relancé le débat sur ce fameux "droit à mourir dans la dignité" en France, pays où, pour l'instant encore, toute euthanasie est interdite par la loi, de même que tout suicide assisté, comme cela existe, par exemple, en Suisse.

Je m'interroge, comme beaucoup, j'imagine, sur l'opportunité de rouvrir ce débat sur l'euthanasie à ce moment précis de l'histoire de notre pays. En pleine épidémie de Covid-19, cette maladie qu'on ne présente plus, bien sûr, puisque nous vivons avec depuis un peu plus d'un an maintenant (oui, plus d'un an, parce que les premiers cas n'ont pas débarqué en France en janvier 2020, mais bien en novembre 2019 déjà... sauf qu'à ce moment-là, cela concernait très peu de malades, que la maladie n'était pas encore identifiée, qu'elle n'avait pas encore tué, et qu'on la confondait encore largement avec la grippe ou une pneumonie, selon les cas. Bref.)

Donc, plus d'un an avec une épidémie mortelle pour un certain nombre de personnes, et plus précisément, pour 94% d'entre elles, âgées de plus de 65 ans. On est donc face à une maladie qui tue essentiellement des personnes âgées, en fin de vie, avec une ou plusieurs autres maladies associées (diabète, problème cardiaque, obésité, cancer, et j'en passe). Dans une interview du désormais très célèbre Didier Raoult, épidémiologiste à l'IHU de Marseille, le médecin disait qu'il n'y avait pas vraiment de surmortalité. Les malades décédés de la Covid-19 en 2020 seraient de toute façon morts d'autre choses quelques mois ou quelques années plus tard, sans l'épidémie. La Covid-19 a donc accéléré le processus, mais n'a pas multiplié les morts. Pour le dire un peu trivialement et assez brutalement, l'épidémie a, en quelque sorte, "fait le ménage" parmi les personnes, essentiellement âgées et/ou malades, qui étaient de toutes façons déjà condamnées à plus ou moins brève échéance.

N'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit. Cette maladie (et je l'ai eue aussi, en version longue) est une véritable cochonnerie, si vous me passez l'expression, en ce sens qu'elle attaque tout l'organisme, à des moments et des degrés divers. En version "light", non létale, les symptômes peuvent s'enchaîner plus ou moins rapidement, sur plusieurs jours, voire sur plusieurs mois, et la maladie est très anxiogène, y compris dans ses formes bénignes, tout simplement parce que, quand un symptôme disparaît, on finit par se demander immédiatement après, dès que ça va mieux, quel sera le prochain symptôme et s'il sera pire ou pas que le précédent. On vit, surtout dans les formes longues, en apnée permanente, dans l'attente de la suite. Et c'est lourd (et c'est du vécu : mes premiers symptômes ont eu lieu début février 2020, les derniers ont disparu fin mai...).

Bref. Nous sommes en pleine épidémie. Et je ne peux pas m'empêcher de me demander si nos dirigeants, nos députés, ne seraient pas un peu, voire totalement schizophrènes. Ils envoient tellement de messages contradictoires que ça en devient totalement délirant. D'un côté, il y a le "quoi qu'il en coûte" d'Emmanuel Macron, avec des moyens dingues déployés durant le premier confinement pour obliger tout le monde à rester chez soi pour tenter d'endiguer l'épidémie, il y a le décompte journalier des morts, les tableaux quotidiens avec le récapitulatif du nombre de morts en EHPAD vs le nombre de morts à l'hôpital, mais qui ne tiennent bien sûr pas compte de ceux qui sont morts chez eux, parce qu'ils n'ont pas pu voir le médecin, et dont, finalement, on ne saura sans doute jamais qui, du cancer ou de la Covid, a gagné le match final... On a aussi une bataille rangée avec une sorte de course contre la montre pour vacciner (avec plus ou moins de réussite, de réactivité et de rapidité en fonction du nombre de doses disponibles dans notre pays) le plus de monde possible. On a l'impression, là, que le combat se mène sur chaque vie humaine. Chaque vie humaine est importante ! Oui. C'est ce qu'on nous dit à longueur de journée, sur tous les plateaux télé consacrés à cette pandémie depuis un an. Chaque vie humaine compte. Chaque décès est donc vécu comme un drame, comme un échec, d'autant plus que, au plus fort de l'épidémie, les personnes hospitalisées avec la Covid-19 étaient isolées et, quand elles mouraient, elles mouraient seules, sans avoir revu les leurs. Sans leur avoir dit "au revoir". Sans avoir pu leur dire "je t'aime" une dernière fois. Dramatique.

D'un autre côté, nous avons des députés, des lobbyistes, des militants d'associations qui militent, aujourd'hui comme depuis de nombreuses années maintenant, pour faire passer dans la loi un nouveau "droit" qui, je n'en doute pas, ne tardera pas à devenir "fondamental", celui de "mourir dans la dignité".

J'avoue que, là, même si je m'attendais à ce genre d'offensive, je suis écœurée par l'indécence de ces revendications, à ce moment précis de notre histoire. Où est donc l'urgence ? Où est donc la logique ? Parce qu'il ne faut pas se leurrer, ce sont les mêmes personnes qui, d'un côté, hurlent parce que la Covid tue et, de l'autre, militent pour l'adoption dans la loi française du droit à l'euthanasie. Alors, j'aimerais bien connaître les raisons de tout cela. Pourquoi vouloir l'euthanasie, si la mort est si atroce ? Pourquoi hurler à cause de la Covid si on veut à tout prix l'euthanasie ?

Je réfléchis. Il y a une différence fondamentale entre la mort par Covid et la mort par euthanasie, c'est la dimension du "choix". En fait, le terme "dimension" est très mal choisi. Ce n'est pas une "dimension", mais une "illusion". Illusion du choix. Dans le cas de la Covid, ça me tombe dessus, comme dans une loterie, comme à la roulette russe. C'est une histoire de fatalité. Untel est touché et va s'en sortir, untel est touché et en meurt. On ne maîtrise rien, on ne contrôle rien.

Dans le cas de l'euthanasie, il semble, d'un premier abord, qu'il y ait un choix posé. "Je choisis de mourir dans la dignité", c'est-à-dire que je choisis de ne pas être réanimé, je choisis, si je deviens un jour comme Vincent Lambert (un "légume", quoi), de demander à ce qu'on mette fin aux traitements qui me maintiennent en vie, en attendant d'avoir le droit de demander qu'on mette fin à mes jours (ou que j'y mette fin moi-même si je peux encore le faire), quand la loi l'autorisera.

Alors pourquoi ai-je l'impression qu'il ne s'agit pas d'un choix, mais d'une illusion de choix ? Qu'est-ce que cette histoire d'euthanasie révèle, finalement ?

Tout d'abord, je vois une notion très importante de contrôle. Dans le militantisme pro-euthanasie, même si ça ne concerne peut-être pas tout le monde, il y a cette dimension de contrôle qui me semble très présente. On veut garder le contrôle sur sa mort, comme on pense avoir eu le contrôle sur sa vie. Ou peut-être qu'on veut avoir le contrôle sur sa propre mort, justement parce que c'est quelque chose que l'on pense pouvoir contrôler, contrairement à tous les événements de la vie, dont une bonne part est totalement incontrôlable, justement, parce que nous sommes des êtres de relation et que notre vie est faite de relations, donc d'altérité. Cela me fait penser à une autre maladie, l'anorexie, où, pour faire simple et à grands traits, une partie du problème se situe dans le besoin de contrôler son propre corps en le privant de nourriture (c'est le même débat, mais à l'envers, pour la boulimie d'ailleurs, au moins en partie). Donc, le contrôle. 

Si je vais plus loin, je me dis que personne n'a décidé de venir au monde. Ce sont nos parents, à chacun d'entre nous, qui ont décidé de notre vie ou de notre mort, au moment de notre conception et de notre naissance. Finalement, nous sommes déjà tous des morts en sursis, à partir du moment où nous naissons. Et, aujourd'hui, ceux qui naissent ont déjà de la chance, quelque part ! Mais c'est un autre débat, ça ! Donc, personne n'a décidé de venir au monde. Alors comme on est là sans l'avoir choisi, on veut choisir sa vie. On choisit son métier, sa formation, son conjoint, sa maison, le nombre d'enfants qu'on aura (ou pas)... et puis les choses peuvent déraper, pour des raisons qui nous échappent : chômage parce que l'entreprise "dégraisse" (ou à cause d'une pandémie), divorce parce que mon conjoint ne m'aime plus, ou en a marre de mes défauts, ou a rencontré quelqu'un d'autre (l'un n'excluant pas l'autre, d'ailleurs), solitude parce que les enfants ne viennent plus nous voir, parce qu'on est fâché avec eux, parce qu'ils habitent à l'autre bout du monde à cause de leurs métiers qui nous ont coûté une fortune en études supérieures, perte de la maison parce qu'il y a eu un tsunami, un tremblement de terre ou un attentat ou parce que le chômage m'interdit dorénavant de payer mon prêt bancaire, son genre qui ne correspond pas à son sexe biologique ou à ce qu'on ressent être au fond de soi... Finalement, la seule chose qu'on maîtrise un tant soit peu, dans ce monde, c'est... sa vie à soi. Parce que le reste (solitude, divorce, chômage, maison...) est susceptible de disparaître pour des raisons qui me sont extérieures. Ou qui semblent m'être extérieures du moins. Donc, puisqu'on ne maîtrise plus rien, on veut au moins maîtriser sa vie. Et surtout la fin de sa vie.

Il y a autre chose, aussi. La mort. C'est "flippant", la mort. C'est sale, c'est répugnant, c'est la fin de tout, c'est... ça fait peur, la mort ! Il faut la cacher. Il ne faut surtout plus la voir. Il faut l'éviter. Jusque dans le vocabulaire qu'on emploie pour en parler, parce qu'elle ne disparaîtra jamais, vu que c'est l'issue ultime pour chacun d'entre nous ! Donc, la mort, on l'appelle "le décès", le "départ". "Il est parti". "Elle s'en est allée". "Il est au ciel". "Elle mange des pissenlits par la racine". "Elle nous a quittés". La mort, dans notre monde aseptisé, a quelque chose d'indécent. Tout comme la vieillesse et la maladie, d'ailleurs. Et c'est "marrant" (si je peux me permettre !) : la Covid-19 a justement mis, ou plutôt remis ces trois réalités sur le devant de la scène : la mort, la maladie, la vieillesse. Et c'est peut-être pour cela que la Covid fait si peur. C'est sans doute pour cela que cette épidémie réveille tant de fantasmes, tant de terreurs, tant d'angoisses. A force de cacher nos faiblesses que sont la vieillesse, la maladie et notre finitude, n'a-t-on pas fini par croire que nous en étions débarrassés ? Et vlan ! Tel un boomerang, tout cela nous revient en pleine figure ! Drôle, non ?

Nous sommes simplement rattrapés par notre réalité. C'est tout. 

Alors cet éditorial disait qu'on "meurt mal en France". C'est-à-dire, selon les promoteurs de l'euthanasie (parce qu'on va arrêter la novlangue, ici, et appeler un chat "un chat"), que la mort ne prévient pas. Elle s'invite dans nos vies quand on ne l'attend pas, elle débarque et emporte ceux que nous aimons, plus ou moins brutalement, plus ou moins rapidement. Tel Luc, mort à 46 ans d'une crise cardiaque. Tel François, mort à 71 ans d'un cancer, en pleine épidémie de Covid. Tel... Les exemples sont légion, surtout en ce moment. Alors on rêve. On rêve d'une mort douce, d'une mort sans douleur, d'une mort qu'on pourrait prévoir, qu'on pourrait enfin "programmer", une mort qui ne viendrait plus nous prendre par surprise, qui nous laisserait le temps de dire "au revoir" à ceux que nous aimons et que nous laisserons derrière nous. Une mort où il n'y aurait plus d'angoisse, parce qu'on l'aurait choisie, qu'on aurait décidé de quelle manière on terminerait notre vie. Une mort qui arriverait dans notre sommeil, sans rêves, sans angoisses, sans envie, car sans possibilité non plus, de faire marche arrière et de l'arrêter. Une mort enviable, presque. Dépouillée de sa brutalité.

C'est ça, une "bonne" mort ?

Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que la demande d'euthanasie disparaît quand la douleur et l'angoisse de la mort sont prises en charge dans les unités de soins palliatifs. Ce que je sais, c'est que quelqu'un qui est accompagné dans sa maladie, qui en connaît l'issue fatale à plus ou moins long terme, est capable de se préparer à son grand "passage". Il est capable, aussi, de regarder cette ultime étape de sa vie avec sérénité, en s'y préparant, en y préparant aussi ceux et celles qu'il aime, telle Christine, morte de la maladie de Charcot à 42 ans.

Une fois de plus, on en revient toujours au même point. Ce qui motive la demande d'euthanasie, en France comme ailleurs, c'est le désespoir. Et la peur. Pour les chrétiens, la mort, le désespoir, la peur ne viennent pas de Dieu, mais de Satan et des démons. En fait, en "virant" Dieu de nos vies, de nos sociétés, en l'oubliant carrément, nous nous enfonçons dans ce désespoir, cette peur de la mort, cette désespérance face à la certitude qu'après, il n'y a plus rien. C'est pour cette raison, je pense, que les mêmes qui sont pour l'euthanasie sont aussi, sans doute, pour le transhumanisme, pour l'homme augmenté, pour l'installation de l'homme sur Mars. Tout, plutôt que d'affronter notre finitude d'êtres humains. Tout, plutôt que de mourir "pour toujours". C'est marrant, ça aussi, d'ailleurs. Quand les jeunes enfants découvrent la mort, ils posent tous, à un moment, la même question : "Dis, maman, quand on meurt, c'est pour toute la vie ?" Eh oui ! Quand on meurt, c'est définitif. Sauf rares exceptions, on ne revient pas de ce voyage-là. Mais la différence entre les chrétiens et les non-chrétiens, c'est que, justement, pour les chrétiens, il y a autre chose "après". Il y a cette espérance, qui est bien plus puissante que le simple espoir, qu'après la mort, il y a la vie éternelle, et la vie auprès de Dieu. Dans la louange et la joie éternelle, dans la paix et le bonheur "pour toute la vie".

Quand on est pétri de cette certitude, la mort ne fait plus peur. Sans devenir enviable (mourir n'est jamais, je suppose, une partie de plaisir), la mort devient un mauvais moment à passer avant d'accéder à la plénitude de la vie. Tout le reste devient alors logique : le respect de la vie depuis son commencement jusqu'à sa fin naturelle (donc pas d'avortement, pas d'euthanasie, pas de suicide assisté ou de "mort dans la dignité" ou tout autre nom qu'on voudra lui donner). Le respect de l'autre, de sa liberté. La joie face à ce qui nous attend, même quand ce sont des épreuves. La joie de la croix.

On ne peut pas dire "chaque vie humaine compte" d'un côté et favoriser l'avortement et promouvoir l'euthanasie de l'autre. On ne peut pas tout faire pour sauver des vies humaines et donner la mort à ses semblables, fragiles parce que non nés ou trop âgés pour se défendre. Il faut être un minimum cohérent. Une vie est une vie. Il n'y a pas de vie plus "digne" qu'une autre. La vie d'une personne handicapée, la vie d'une personne âgée ont autant de valeur que la vie d'un jeune cadre dynamique ou d'une mère de trois enfants qui mène sa carrière, sa famille et son couple de front.

Sinon, un jour, on va nous dire que, puisqu'on peut "mourir bien", "mourir dans la dignité", alors il n'est pas cohérent de ne pas choisir d'utiliser ce droit pour mettre fin à sa vie insupportable en EHPAD ou parce qu'on est trisomique ou autiste. "Mourir dans la dignité" deviendra une injonction, et non plus un droit, pour ne pas faire peser sur la société, sur les pouvoirs publics, sur les comptes de la Sécurité Sociale, le poids du handicap, de la vieillesse et de la maladie. Et ceux qui s'y opposeront, qui respecteront la vie depuis son début jusqu'à sa fin naturelle seront des hors-la-loi qui rendent la vie "laide", parce que le handicap, la vieillesse et la maladie y seront toujours visibles.

Mais qu'est-ce qui permet de dire que la vie d'un enfant ou d'un adulte handicapé a moins de prix qu'une autre et qu'elle ne mérite pas d'être vécue ? De quel droit peut-on décider de qui doit vivre, et qui doit mourir ? Ouvrir cette boîte de Pandore est un gros, un très gros risque que certains, malheureusement, sont prêts à courir. 

L'euthanasie n'est pas "belle". Elle ne rend pas la mort "belle". Elle n'enlève rien à la douleur des proches de celui qui meurt. La mort est la mort, quel que soit le nom qu'on lui donne pour la masquer. N'est-il pas temps de la regarder en face et de mieux accompagner ceux qui vont avoir à y faire face ?

jeudi 7 mai 2020

Covid-19 : Journal #2

Nous arrivons (enfin ?) à la fin de ce confinement qui dure depuis maintenant presque deux mois. Et vient maintenant le temps des questions.
Tout d'abord : comment allons-nous sortir de ce confinement ? Comment les enfants vont-ils retourner à l'école ? À quelles conditions ? Quand exactement ?
Et puis, il y a des questions qui me taraudent depuis quelques temps, à savoir la "responsabilité" des "citoyens", que notre cher Premier Ministre appelle de ses vœux. On en serait presque à se dire que la réussite du déconfinement ne sera une réalité que si les "citoyens" de ce pays font preuve de responsabilité. Contrairement au gouvernement ? Malgré le gouvernement ?

En fait, je me demande vraiment ce qu'il faut penser de toute cette crise.
Dans un premier temps, on nous a caché la vérité ("ce n'est qu'une grippette"). Puis on nous a infantilisés ("ce n'est pas la peine de porter des masques, de toute façon, c'est difficile de porter un masque et un masque qu'on ne met pas correctement, c'est contre-productif et ça risquerait d'aggraver la crise").
Et aujourd'hui, il faudrait qu'on soit responsables.
Soit.
Le gouvernement (Premier Ministre, Président, Porte-parole, Ministres de la santé, de l'éducation et/ou du travail en tête) me semblent être de véritables girouettes. Et ils me semblent prendre les Français pour des imbéciles.
Vous croyez vraiment, chères "élites", que nous, parents d'enfants, enfants de personnes âgées, sommes irresponsables au point de faire prendre des risques à ceux que nous aimons, et à nous-mêmes ?
Vous croyez vraiment que nous vous avons attendus pour savoir quoi faire et comment le faire ? Pour nous rendre compte que les masques sont tout simplement indispensables pour ne pas propager ce virus ? Pour comprendre la gravité de la situation, quand on comptait déjà le nombre de morts et de personnes en réanimation, alors que vous continuiez à nous chanter le refrain "Tout va très bien, Madame... " ?

Alors aujourd'hui, je me dis qu'il va falloir vraiment que les pendules soient remises à l'heure. Soit les Français sont des irresponsables et des imbéciles, et il nous faut alors des chefs dignes de ce nom (mais aussi des gens capables d'expliquer simplement à tous ces irresponsables et ces imbéciles que nous sommes l'importance des masques, des gestes barrières et de la reprise du travail dans des conditions complexes), soit les Français sont des gens responsables, et alors il faut que le gouvernement en tire toutes les conséquences. Et en particulier qu'on arrête de nous dire tout et son contraire en l'espace de quelques jours.
Parce que, en 48 heures, on a eu : "Il faut fermer les écoles" (le 13 mars) et, le même jour : "Il faut maintenir les élections municipales". Puis, le 16 mars : "Restez chez vous" (sans prononcer une seule fois le mot "confinement" : chapeau, l'artiste !)
Et puis on a eu aussi "Les masques ne servent à rien", "Tout le monde doit porter des masques", "Les masques FFP2 sont à réserver au personnel médical" et "Soyez responsables, faites vous-mêmes des masques" et "Des masques grand-public, en tissu, lavables, vont être livrés pour tout le monde".
Alors il faut savoir : on va avoir des masques, ou bien il faut les faire soi-même ? Je suis prête à me mettre à ma machine à coudre, mais je vais avoir un problème basique très simple : pour pouvoir faire mon masque, il va falloir que je puisse sortir et aller dans le magasin de tissu où je m'approvisionne habituellement pour y acheter... de l'élastique ! Ben oui, c'est aussi simple que ça. Je pourrais toujours commander par Internet, mais... en fait, non, parce que les délais postaux se sont considérablement allongés ces dernières semaines. Et si ça se trouve, je recevrai mon élastique une fois que nous serons de retour en confinement, si ça se passe mal. Bref. C'est assez ubuesque, semble-t-il...

Donc, partons du principe que les Français ne sont ni des imbéciles, ni des irresponsables. Oui, il y a des gens qui ne comprennent rien d'autre que la trique et le bâton, mais ma grande foi en l'humanité me fait penser que ces gens-là ne sont pas une majorité et que la plupart de nos concitoyens sont juste des personnes qui cherchent à vivre normalement, en prenant soin de leurs proches, enfants, parents, grands-parents, et, surtout, qu'ils n'attendent plus, depuis un certain temps, que l'Etat vienne à leur secours. Tout simplement parce qu'ils se sont bien rendu compte que l'Etat ne venait jamais qu'au secours des mêmes, toujours des mêmes depuis au moins dix ans : les grandes banques, les grandes entreprises, les grandes fortunes. Les autres, la plupart des autres, c'est encore et toujours la débrouille, l'inventivité et le bricolage en attendant que la situation s'améliore. Et heureusement, d'ailleurs, parce que sinon, la situation serait sans doute bien pire qu'elle n'est aujourd'hui, quand on voit la manière dont cette crise a été gérée depuis son démarrage.

Alors pour le déconfinement, j'ai en ce qui me concerne pas mal de questions, notamment à propos de l'école.
Les informations que j'ai eues, c'est que les enfants qui iront à l'école n'auront pas forcément cours tous les jours, mais sûrement à mi-temps (une semaine sur deux ou deux jours par semaine, ça a l'air de s'orienter, chez nous, vers un sondage des familles par la directrice de l'école. Je suppose que la formule qui emportera le plus de suffrages sera mise en place. Une manière démocratique, en somme, de s'organiser quand le flou artistique règne à tous les étages).
De plus, les enfants ne seront pas forcément avec leur maître ou maîtresse habituel(le), certain(e)s restant en télé-travail, d'autres assurant le présentiel (histoire, sans doute, de limiter le nombre d'adultes dans les écoles). 
Puis, les enfants seront sommés de ne pas s'échanger de matériel, que ce soit un stylo ou un jeu. Ils ne pourront pas non plus jouer à plusieurs, mesures de distanciation sociale obligent. De la même manière, la maîtresse, qui aura donc à gérer des élèves de plusieurs classes différentes qu'elle ne connaît sans doute pas très bien, n'aura pas le droit de toucher un objet qui sera passé entre les mains d'un élève (stylo, cahier, feuille de papier...). Ce qui veut dire aussi qu'elle ne pourra pas corriger un cahier. Tout va donc se passer sous forme d'auto-correction. Alors l'auto-correction, c'est bien quand la maîtresse utilise le tableau et écrit dessus ce que les enfants doivent avoir dans leur cahier. Mais quand il y a plusieurs niveaux, ça devient vite compliqué, même s'il ne faut pas négliger l'inventivité et la débrouillardise des institutrices et instituteurs dans ces cas-là. 
Et puis, les enfants, après deux mois, grosso-modo, où ils n'auront pas pu voir leurs camarades de classe et jouer avec eux, ce qu'ils attendent du déconfinement, c'est justement de pouvoir reprendre leurs jeux, dans la cour. Et ça, ben... ça va pas être possible !

Diantre ! Mais c'est quoi, alors, l'intérêt du déconfinement des enfants et de la reprise de l'école, si cette reprise doit se faire au détriment des élèves, de leurs apprentissages, de leur socialisation, de leur santé et de celle des adultes qui les accompagnent, si cela doit être plus problématique encore que l'école à la maison ?
Ah oui. J'oubliais. 
L'économie.

La reprise du travail pour les parents.
Mais... cela veut donc dire que l'école, c'est, finalement, un moyen hyper-pratique pour les parents de faire garder leurs enfants à peu de frais ?
Ou bien un moyen hyper-pratique pour l'Etat de faire travailler les parents sans qu'ils aient à se soucier de la sécurité de leurs enfants ?
Ou bien encore cela veut-il dire que la reprise de l'économie, du travail, est plus importante que la santé des personnes ?
Non.
Ça ne peut pas être ça ! Ce serait par trop cynique !!!

En tout cas, il reste beaucoup de flou dans toute cette histoire. 
Déjà, la première question, c'est "quand ?". Parce que si notre Premier Ministre s'est amusé à classer les départements français en fonction du nombre de malades et des capacités des hôpitaux à prendre en charge les malades en leur attribuant une couleur rouge, orange ou verte, ce n'est sans doute pas simplement pour décorer les murs du ministère de la santé ou pour passer le temps.
Donc ce "classement" implique forcément des modalités de déconfinement différentes en fonction des départements, ce qui me semble, pour le coup, parfaitement logique, en ce sens que la situation n'est absolument pas la même dans une région comme l'Alsace (oui, désolée, j'en suis restée à l'ancien découpage administratif avec 22 régions), où le nombre de cas, de décès et d'hospitalisations reste très importants, et en Bretagne, où les médecins n'ont vu que quelques cas de Covid-19 isolés et où la situation est bien moins critique que dans l'Est de la France ou la Région parisienne, par exemple.
Ah oui, mais alors ça va poser un vrai problème logiciel, ça.

Ben oui.
Parce que le logiciel de l'Etat, c'est celui qui met l'égalité du citoyen devant la loi, le droit et toutes les décisions prises au premier plan. C'est sans doute pour cette raison, d'ailleurs, que certaines décisions paraissent aujourd'hui totalement absurdes et incompréhensibles, sauf si on les observe avec ce prisme de lecture-là. Par exemple, pourquoi des départements qui avaient réussi à commander des masques ont-ils vu leurs commandes réquisitionnées par l'Etat et stockées ?
Sans doute pour la simple raison qu'à ce moment-là, l'Etat étant dans l'impossibilité de fournir des masques à toute la population a décidé que ce serait tout le monde... ou personne. Et que donc, ce ne serait personne.
Pour l'école, qui dépend du Ministère de l'Education, c'est la même chose. Il faut donc déconfiner tout le monde en même temps, en aménageant ce déconfinement non pas en fonction des régions, ce qui serait parfaitement logique, mais en fonction des niveaux. Les CM2 d'abord, puis les grandes sections de maternelle et les CP, puis les autres élèves du primaire... mais pas les lycéens. Eux, ils peuvent rester chez eux. D'ailleurs, le bac a déjà été aménagé, alors ils n'ont plus grand-chose à faire au lycée, hein !
Sauf que, du coup, on va se retrouver avec des familles, quand il y a plusieurs enfants en primaire et/ou en maternelle, par exemple, où certains pourront retourner à l'école, mais pas les autres. Ou bien pas tout de suite.
Donc, la logique qui va prévaloir dans la grande majorité des familles qui en ont la possibilité, c'est de ne déconfiner personne, de laisser les enfants à la maison, de continuer l'école à la maison, sous la responsabilité des parents qui pourront se permettre de ne pas aller travailler. Ou qui pourront profiter du télé-travail.

Alors, finalement, c'est le citoyen qui prend la décision. La décision de retourner au travail si son employeur lui laisse le choix. La décision de renvoyer son ou ses enfants à l'école. La décision de porter un masque à l'extérieur (parce que non, ce ne sera sans doute pas obligatoire, sauf dans les transports en commun). La décision de se signaler au médecin ou à la fameuse brigade spécialement formée pour ça (pour être intrusive tout en étant humble ! Mais comment ils vont faire ?) en cas de symptômes potentiellement liés au Covid-19. La décision de rester confiné chez soi ou bien d'aller à l'hôtel...
Si c'est le citoyen qui est responsable de tous ces choix-là, alors c'est banco pour le gouvernement. Parce que du coup, si le déconfinement se passe mal, si l'épidémie repart, nos chers dirigeants pourront toujours dire : "C'est pas de notre faute !"

Il y a des baffes qui se perdent, moi, j'vous dis !

La situation est insoluble, parce que le gouvernement n'est pas honnête depuis le début. Ni sur la gravité de la crise, ni sur la question des masques et des tests, ni sur la sortie de crise et du confinement. Face à ce chaos le plus complet, face à ces revirements multiples, à ces injonctions absurdes et contradictoires, il devient très difficile de savoir ce qu'il convient de faire.
Juste un exemple sur le port du masque :
Il est plus que recommandé d'en porter un dès qu'on sort de chez soi, mais ce ne sera pas obligatoire sauf dans les transports en commun, au supermarché... dans tous les endroits où on est susceptible de croiser du monde. Oui, mais je fais quoi de mon masque en tissu fait avec mes jolies petites mains, si je suis allée à la grande ville en bus pour y faire quelques courses et déposer des chèques à la banque ? J'ai mis un masque pour aller dans le bus, puis j'ai marché dans la rue et j'ai enlevé mon masque pour respirer un peu mieux (parce que je ne sais pas si vous avez essayé, mais c'est assez contraignant de respirer avec un masque sur le visage) et/ou pour profiter de la douceur de la météo en ce printemps que nous vivons en grande partie confinés pour l'instant. Puis j'arrive à la banque, je vais donc devoir remettre mon masque. Sauf que si j'ai croisé quelqu'un dans le bus qui était porteur du virus et que ce quelqu'un a pu projeter sur moi des gouttelettes contaminées (ce qui ne devrait pas arriver s'il portait un masque, mais on sait que les masques grand public ne protègent pas à 100%), alors mon masque est lui-même certainement contaminé. Je vais donc le remettre sur mon visage en rentrant dans la banque et, au choix, me contaminer moi-même pour avoir touché le masque contaminé avec mes mains que j'avais pourtant désinfectées au gel hydro-alcoolique avant de partir, ou bien contaminer la personne au guichet de ma banque où je vais déposer mes chèques en souffrance depuis le début du confinement, parce que j'ai fait les courses pour mes voisins depuis qu'ils ne peuvent plus sortir de chez eux...
Moi, je vous dis, ça va être coton.

Et la question que je me pose, aussi, c'est, finalement, qui sera responsable en cas de problème durant le déconfinement ? L'Etat semble avoir posé tous les jalons pour se défausser. Alors qu'Edouard Philippe n'y était pas du tout obligé, il a présenté son plan de déconfinement aux députés et aux sénateurs. Une manière de leur dire : "Voilà ce que nous prévoyons de faire. Si vous êtes d'accord avec ce plan, alors en cas de problème, vous en porterez la responsabilité autant que nous. Et si vous n'êtes pas d'accord, alors vous serez les responsables des multiples faillites d'entreprises qui ne manqueront pas d'arriver si la reprise ne peut pas se faire".
C'est la même tactique que celle qui consiste à en appeler à la responsabilité des citoyens.
Dans tous les cas, c'est "Face, je gagne, et pile, tu perds".

Aahh !!! Vivement 2022 ! (ou pas...)

mercredi 22 avril 2020

Covid-19 : Journal #1

J'ai vu pas mal de choses ces derniers jours, sur Internet, bien sûr, à propos du Covid-19. Des "journaux de confinement", des "chansons de confinement"... et ça me fait du bien la plupart du temps d'avoir des infos, des nouvelles des uns et des autres.

Et puis, je me dis que, de mon côté, j'ai un petit truc à partager aussi, pour ce qu'il vaut. Bien sûr, je ne suis pas virologue, je ne suis pas médecin, je ne suis pas une spécialiste. Juste une maman, une blogueuse, une intervenante de religion.

Depuis plus d'un mois, maintenant, je n'apprends rien à personne, nous sommes en confinement. Et ça commence à être long, surtout quand... on est malade ! Si, si !

Parce que le Covid-19, ici, on commence à connaître un peu. Alors j'ai décidé de faire ici un petit récapitulatif de ce que nous avons vécu ici, et que nous vivons encore, depuis tout ce temps. Parce que, pour nous, le Covid n'a pas débuté le 17 mars, mais environ une semaine plus tôt.

Le mercredi 11 mars, je me suis réveillée avec un mal de tête assez important, du genre "vrille" qui s'enfonce dans le crâne. Je n'ai plus vraiment de détails concernant cette douleur, je sais juste qu'elle m'a mise par terre toute la journée, sans pour autant me paralyser totalement. À ce moment-là, je pensais encore qu'il pouvait s'agir d'une simple migraine. Mais j'avais aussi dans la tête la possibilité que ça pouvait être ce fichu virus, tout simplement parce que, depuis fin février, nous étions informés du risque épidémique, rien qu'à voir le nombre de cas qui augmentaient régulièrement à Mulhouse et dans le Haut-Rhin en général. À tel point que, lorsque le  6 mars, la fermeture des écoles du Haut-Rhin a été annoncée, je me suis demandé pour quelle raison il n'en était pas de même dans le Bas-Rhin, étant donnée la porosité entre les deux départements, surtout quand on habite dans le Centre-Alsace, c'est-à-dire à la frontière entre les deux.
J'en ai déjà parlé dans l'un de mes précédents billets, je ne vais donc pas y revenir. Mais en tout cas, quand la fermeture des écoles a été décidée pour la semaine suivante, j'ai été particulièrement contente. Non pas parce que je n'allais plus donner de cours, ou bien parce que ça nous ferait des vacances (enfin, si, peut-être, parce que j'étais déjà particulièrement fatiguée déjà), mais parce que la situation devenait particulièrement anxiogène, avec des informations en permanence contradictoires et étonnantes. Par la suite, j'ai mieux compris ces fameuses voltes-faces, au regard des différentes hypothèses et décisions prises par le gouvernement pour lutter contre l'épidémie.
Lors de mon billet du 9 mars, je n'avais pas encore entendu parler de l'immunité collective, par exemple. D'où mon sentiment de nager en pleine "absurdie"...
Sauf que j'ai compris plus tard la tactique utilisée de la fin du mois de février jusqu'au 16 mars : il s'agissait de mettre le plus de personnes possible en contact avec le virus afin de favoriser l'immunité collective (pour ce type de virus, quand plus de 60% de la population est en contact avec la maladie, celle-ci s'éteint d'elle-même faute de personnes à infecter...).
Deuxième phase : à partir du 17 mars, on entre en période de confinement, ce qui semble signer un changement de stratégie. Je me suis demandé d'abord pour quelle raison le gouvernement changeait son fusil d'épaule, avant de me rendre compte qu'il s'agissait en fait d'une obligation : les hôpitaux de Mulhouse et de Colmar, puis de Sélestat, étaient saturés... Sans confinement, la situation aurait vraiment tourné à l'hécatombe... ce qui, d'ailleurs, était déjà le cas en Italie et dans le Haut-Rhin. Donc, quand le confinement a été décrété, j'ai vraiment été soulagée, en me disant que, franchement, "ils" auraient dû le mettre en place plus tôt. Au regard de ce que nous vivions en Alsace, cette solution était une évidence, alors que, dans le reste de la France, la plupart des gens n'avaient pas pris conscience de l'ampleur du problème, y compris dans le corps médical (sauf dans les endroits où le virus avait déjà pris ses quartiers).

Alors voilà, l'objet de ce billet n'est pas de refaire l'histoire, mais de faire le point sur les manifestations de ce virus dans les cas quasi-asymptomatiques, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas graves. On a des symptômes, mais qui ne présentent aucun critère de gravité, qui sont simplement à surveiller. Ceux où on est en droit de s'inquiéter, mais où, quand on appelle le médecin, la réponse est "vous avez de la fièvre ? Une gêne respiratoire ? Non ? Alors tout va bien, restez chez vous, prenez du paracétamol et rappelez-nous si ça s'aggrave".

En ce qui nous concerne, nous avons remarqué un certain nombre de symptômes qui pourraient, séparément, être tous attribués à d'autres causes que le Covid-19. Mais qui, simultanément et collectivement, sont vraisemblablement ceux de la maladie du Coronavirus.
Parce que ces symptômes, on en a eu beaucoup, et plusieurs en même temps, mais pas tout le temps.
Par exemple, le 11 mars, j'ai eu des maux de tête, douloureux, mais pas handicapants. Le 12 mars, en plus des maux de tête (beaucoup plus sérieux, cette fois), j'ai eu aussi mal au dos et aux oreilles.
Puis plus rien le 13, sauf quelques douleurs dans le dos. Pause de 24 heures, avant d'avoir à nouveau mal au dos, aux oreilles et à la tête, puis plus rien. J'en ai conclu que j'avais eu un épisode migraineux assez bizarre. Sauf que dans le même temps, mon mari a, lui, eu d'autres troubles : maux de gorge, nez qui coule, troubles digestifs, fatigue, sensation d'oppression dans la cage thoracique et courbatures. Pour ma petite dernière, grosse fièvre, subitement, qui a disparu au bout de 24 heures, laissant la place à un rhume pendant trois jours. Et simultanément, mon aînée a commencé à tousser. Sa toux a duré une semaine sans discontinuer. Au bout d'une semaine, elle a commencé à se plaindre de vertiges, d'avoir la sensation d'être essoufflée et a été très fatiguée.
Le 24 mars, une semaine après les premiers symptômes de ma fille aînée, j'ai appelé le médecin pour avoir des informations complémentaires. Comme ça ne semblait pas urgent, la secrétaire (parce que je n'ai pas pu avoir le médecin au téléphone) m'a conseillé de surveiller, de prendre la température, de prendre du paracétamol si la température montait trop et de rappeler le médecin en cas d'aggravation. Et que si des symptômes respiratoires apparaissaient, je devais carrément appeler le 15... Ce qui, vous l'avouerez, est plutôt flippant...
Bref. Nous avons encore attendu quelques jours, et puis, le 27, ma fille m'a fait comprendre que ça n'allait plus du tout. En fait, sa température avait monté et, surtout, faisait sans arrêt du yoyo : un coup à 38,3, puis à 37,5, puis retour au-dessus de 38... sans parler du fait qu'elle n'avait plus ni goût, ni odorat. J'ai fini par rappeler le médecin qui m'a donné un rendez-vous pour le 28 au matin. Et là, la conversation avec le médecin a été parfaitement édifiante et, paradoxalement, très rassurante.

Ce que j'ai appris le 28 mars :
- le Covid-19 évolue en deux phases essentiellement. Comme c'est un virus inconnu de l'homme, le corps est vierge de tout anticorps permettant de lutter contre lui. Donc, au début de la maladie, il ne se passe quasiment rien. Le corps lutte contre le virus avec les moyens qu'il a et qui sont trop faibles pour éliminer le virus. Mais au fur et à mesure que le temps passe, le corps se met à produire des anticorps qui luttent de plus en plus efficacement contre l'intrus, entraînant une aggravation des symptômes. C'est la phase deux qui se déclenche entre 7 et 11 jours après les premiers symptômes. La situation semble s'aggraver, alors qu'en réalité, si le corps est assez costaud, ce n'est que la seconde mi-temps d'un combat que le corps commence à gagner.
- Dans les cas sévères, c'est durant cette deuxième phase que le corps "décompense" et que le malade se retrouve à l'hôpital avec une détresse respiratoire. D'où l'intérêt de surveiller de près les symptômes, parce que c'est à ce moment-là qu'on peut entrer dans une phase critique nécessitant une hospitalisation.
- Le virus est présent dans le corps plusieurs jours avant l'apparition des symptômes, et la contagion est effective entre 2 et 5 jours avant les premiers symptômes en moyenne. Mais il a été observé des cas où les malades étaient contagieux jusqu'à 14 jours avant les premiers symptômes. D'où la période de quarantaine imposée dans certains pays, qui dure 14 jours...
- Pour les enfants, le virus n'est en général pas un problème : la plupart des enfants sont asymptomatiques ou ont des symptômes très peu importants, pouvant passer inaperçus. C'est ce qui s'est passé avec mes deux autres enfants : mon fils a eu mal à la tête une demi-journée, quant à ma troisième, elle a eu mal à la gorge, a toussé un peu et ça s'est arrêté là.

Ce qui était intéressant, c'est qu'au fur et à mesure de l'avancée de la discussion avec le médecin, celui-ci a noté les différents symptômes, les personnes qui les avaient, leurs dates d'apparition et de disparition... et j'ai compris à ce moment-là que les médecins ne savaient effectivement pas grand-chose sur la maladie, que les retours des patients potentiellement atteints leur permettaient d'affiner leurs diagnostics et leur connaissance de la maladie, et que finalement, ce dont nous avions besoin, c'était d'une médecine de ville (ou de village) informée et protégée, parce que les premiers à y faire face, c'étaient les médecins libéraux. Eux qui voient des patients à longueur de journée, y compris peu symptomatiques, contrairement à ceux des hôpitaux qui ne voient, pour le coup, que les cas graves.

Je vous disais que j'avais été rassurée par cette consultation, parce qu'elle permettait de comprendre comment fonctionne ce virus et à quoi s'attendre avec lui, pour ce qu'on en savait à ce moment-là du moins. On en savait peu, mais ce "peu" permettait au moins de donner des délais, des évolutions possibles et/ou probables et de ne plus paniquer au moindre déclenchement du moindre symptôme.
Parce que ce qui est angoissant, ou du moins ce qui m'angoissait au démarrage de ce truc, c'était que les symptômes changeaient tout le temps. Un jour, c'est un mal de tête, un jour le nez qui coule, un jour de la fièvre, puis la toux, des courbatures, une sensation de fièvre mais sans fièvre, la perte du goût et/ou de l'odorat, une sensation d'étouffement, d'oppression dans la cage thoracique... la question essentielle devenait : "Quel sera le prochain symptôme ? S'il y en a un sera-t-il grave ou non ? Faudra-t-il appeler le 15 ? Si oui, y aura-t-il une place à l'hôpital ? Est-ce que, si je dois y aller (ou l'un de mes enfants, ou mon mari), je le/la reverrai vivant(e) ?"

Toutes ces questions sont très, très angoissantes, bien plus que les manifestations de la maladie elle-même, du moins dans sa forme bénigne. Et, encore une fois, tous ces symptômes que nous avons eus étaient très bénins, finalement.
Le délai donné par le médecin, c'était deux semaines de symptômes, avec une troisième semaine possible. J'ai donc patiemment compté les jours, les semaines, avant de crier "victoire" et de considérer toute la famille comme guérie. Parce que, oui, j'ai pu constater que tout le monde (et nous sommes six personnes à la maison) était guéri, après avoir eu plus ou moins de troubles durant ces dernières semaines.

Seulement, ce n'était pas terminé.
Le premier avril, suite à la consultation du 28 mars, ma fille aînée a été convoquée chez le médecin pour un suivi trois jours après le premier examen. J'en ai profité pour poser encore des questions. Notamment sur une possible réinfection, dont on commençait déjà à parler. Du genre "Si on a été malades du Covid-19, est-ce qu'on est protégé, puisqu'on a pu développer des anticorps ?"
Et la réponse du médecin m'a tout de suite calmée : "Normalement oui, mais on n'en est pas sûrs parce qu'on a déjà observé des cas de réinfection chez certaines personnes guéries".
Du coup, je me suis dit que maintenir le confinement, faute de masques et de tests, c'était sans doute la meilleure chose à faire, finalement.

Alors, quand le mercredi 15 avril au matin, je me suis réveillée avec un mal de tête vrillé dans la partie droite de mon crâne, je me suis dit que c'était peut-être reparti. Coup de bol, j'étais la seule atteinte, ce n'était sans doute pas ça, donc. Une migraine, peut-être ?
Eh ben non. Dans la journée, mon mari a lui aussi fait part d'un bon mal de tête, doublé d'une sensation de vertiges, qu'il avait déjà eue lors de la première vague à la maison. Dans la foulée, nous avons compris qu'en réalité, c'était notre troisième qui avait ouvert le bal deux jours plus tôt, elle qui avait vomi toute la nuit et une partie de la matinée, qui avait passé la journée au lit, puis qui se portait soudainement comme un charme... avant de nous faire une magnifique envolée fiévreuse à 40,1°C le samedi suivant... Le dimanche, comme pour sa sœur un mois plus tôt, la température était redescendue à 37,7°C, puis à 36,5°C au réveil le lundi matin. Seulement, si, pour elle, cette deuxième vague a été aussi spectaculaire que brève, il n'en va pas de même pour tout le monde. Mon mari est à la maison depuis le début de la semaine, à cause de maux de tête, de sensations de nausées, de jambes flageolantes et de douleurs articulaires, sans compter la fatigue, la vraie, celle qui vide complètement le corps de toute énergie.
De mon côté, je n'ai pas trop à me plaindre : après les maux de tête, à droite, le mercredi, j'ai passé la journée du jeudi avec un regain d'énergie phénoménale, avant d'être submergée par un violent mal de tête, le vendredi, du côté gauche cette fois (histoire d'équilibrer, peut-être ?). Autant la première vague avait été douloureuse et courte chez moi, comme chez mon mari, autant la deuxième est plus pernicieuse, parce que la fatigue est bien plus intense que la première fois et que c'est cette fatigue, sans autre symptôme, qui prend vraiment le dessus.

Et puis, il y a des symptômes dont on ne découvre l'existence que fortuitement, qui ont peut-être un rapport, mais ce n'est pas certain. Par exemple, depuis le 11 mars, j'ai de furieuses envie de m'arracher la peau du ventre, des jambes et des bras, tant les démangeaisons sont importantes. Est-ce en lien avec le virus ? Pas moyen de le savoir. Ces démangeaisons peuvent être liées à un assèchement de la peau, ce qui est le plus souvent le cas, d'ailleurs, en ce qui me concerne. Sauf que, là, je me tartine régulièrement la peau avec un hydratant depuis plusieurs mois, ce qui avait réglé le problème. Et d'un seul coup, ça ne fonctionnerait plus ?
Autre problème qui se pose : nous avons tous remarqué, dans la famille, une fâcheuse tendance à chercher nos mots. Par exemple, il m'arrive fréquemment de me tromper de mot, comme lorsque j'ai demandé à mon fils d'aller chercher la "guitare" dans le frigo, au lieu du fromage. Rien à voir, d'ailleurs, entre les deux, ce qui me pose quand même une question importante (et assez flippante, je l'avoue) : il ne s'agit sans doute pas d'une simple erreur de langage comme il en arrive souvent en cas de fatigue. Ce n'est pas un mot dit à la place d'un autre parce qu'il lui ressemble ou qu'il commence de la même manière. Ce sont vraiment deux mots qui n'ont rien à voir, un peu comme quand ma fille a demandé à sa sœur de retirer ses pieds de son pantalon, au lieu du fauteuil...

Depuis quelques jours, on entend dire que ce Covid-19 a des effets sur la circulation sanguine et qu'il peut provoquer des engelures au bout des doigts, voire des phlébites avec les conséquences prévisibles qu'on connaît : embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde... des joyeusetés sympas, donc. On sait aussi qu'il y a des dermatologues qui ont remarqué d'autres troubles, en plus des engelures. Je ne sais pas quels types de problèmes exactement, mais du coup, mon esprit travaille un peu trop et en arrive à la conclusion que ces démangeaisons intempestives peuvent être, elles aussi, une manifestation du virus. Il va falloir interroger les médecins quand on en saura un peu plus.
Et puis, il y a ces fameux troubles neurologiques. Sur le coup, quand j'ai entendu parler de cela, c'était dans le contexte d'une sortie de réanimation, après une sédation profonde au curare (parce qu'une intubation, quand on est conscient, c'est juste insupportable, on n'a qu'une envie, c'est de retirer le tuyau qu'on a dans la gorge. Du coup, les patients sont sédatés et plongés dans un coma artificiel pour supporter la machine qui prend le relais quand la respiration n'est plus assurée et ne permet pas une bonne oxygénation des tissus). Le retour à une vie plus normale, après cette sédation au curare, entraîne souvent des troubles neurologiques, pertes de repères en particulier, mais c'est lié au produit qui est injecté, si j'ai bien compris. Sauf que là, le fait de ne plus savoir comment s'appelle un kiwi ou une banane, de parler de guitare à la place du fromage, c'est tout sauf l'effet d'un anesthésiant, quel qu'il soit. Alors c'est quoi ? Encore une question qu'il faudra poser aux médecins, quand on pourra en voir un sans avoir peur de l'ennuyer avec des questions secondaires quand d'autres patients sont, eux, dans des états bien plus alarmants...

Alors voilà, je voulais faire ce billet pour parler un peu de ces symptômes pas graves, pas invalidants, ou très peu, peu douloureux et peu dangereux, puisque disparaissant en général au bout d'un jour ou deux. Ces symptômes, personne n'en parle vraiment, parce qu'ils ne sont pas graves, qu'ils ne nécessitent pas une hospitalisation. Loin de moi l'idée de revendiquer quoi que ce soit en cette période difficile. Bien sûr que la priorité, pour les soignants, est et doit être les patients qui risquent de mourir de cette maladie. En ce qui me concerne, j'avais besoin de coucher par écrit ce qui se passe, notamment parce que les questions d'immunité se posent concernant cette maladie. Certains médecins pensent qu'une fois qu'on a attrapé le virus, on est immunisé et ils comptent sur cette immunité pour faciliter le déconfinement à venir à partir du 11 mai. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas vraiment pressés d'être déconfinés. Parce que vus les symptômes et la fatigue (surtout la fatigue) que ce virus provoque, il vaut mieux, effectivement, attendre un peu plus longtemps avant de retourner dehors, où les porteurs sains peuvent, sans le savoir, transmettre la maladie à des personnes fragiles pour qui elle serait bien plus grave. Nous n'avons que des symptômes bénins, qui pourraient tous être attribués, séparément, à d'autres pathologies : angine, bronchite, pneumonie, règles douloureuses, migraine, gastro-entérite, rhume, allergies respiratoires, et j'en passe... Il est juste peu probable qu'une famille entière attrape toutes ces maladies simultanément et en moins d'une semaine !

Je ne peux aussi que rendre grâce. Parce que cette maladie, chez nous, n'a pour l'heure pas eu d'effets désastreux. Ni mon mari, ni mes enfants, ni moi n'avons eu à aller à l'hôpital, même pour une durée très courte. Du moins pour l'instant. Et on va espérer qu'on en reste là ! Seulement, je me dis que nous ne devons pas baisser la garde. Nous ne sommes qu'à la fin de la première semaine de la seconde vague. Si l'évolution est conforme à la première fois, c'est maintenant que les choses peuvent s'aggraver. Mais la deuxième fois peut-elle suivre le même déroulement que la première, sachant que le rebond de la première vague était du au fait que le corps commençait à produire des anticorps ? Si le corps connaît déjà la maladie, cette deuxième vague doit forcément évoluer différemment. Peut-être que la seconde fois, il n'y a qu'une seule phase ? Et cette phase est-elle alors plus longue parce que la première fois, les symptômes étaient très faibles ? Est-elle moins violente parce que le corps connaît déjà la maladie ?

On entend beaucoup de choses, au sujet du Covid-19. La dernière "information" en date, c'est que, en cas de récidive, ce dernier est plus violent si on ne s'est pas assez reposé durant la première "attaque". Un peu comme une punition que nous infligerait le virus : "Tu as voulu jouer au malin la première fois ? Ben cette fois-ci, je vais tellement te fatiguer que tu vas bien être obligé(e) d'aller te coucher !"

D'ailleurs, il se fait tard... à l'heure où je termine ce billet, il est bientôt 23h30...
Je vais me coucher ! Merci à ceux et celles qui auront eu le courage de me lire jusqu'au bout ! Et pardon pour ce billet très décousu... Il est à l'image du bazar qu'il y a dans ma tête en ce moment... Encore un nouveau symptôme ? Ou bien une manifestation neurologique du même ordre que celle où je cherche mes mots ? :)

samedi 28 mars 2020

Foi et Covid-19 #2

Je me remets à écrire ici... comme si le confinement changeait tout. Et d'ailleurs, il change tout. Ou plutôt, la pandémie, la situation exceptionnelle que nous vivons est totalement différente de ce que nous avons l'habitude de vivre, qui fait notre quotidien, au point que nous trouvons normales des situations qui ne le sont pas, ou qui ne le sont pas pour tout le monde.

En ce moment, par exemple, je découvre la pénurie. Pénurie dans les magasins. Oh, rassurez-vous, nous ne mourrons pas de faim, c'est impossible. Mais les produits que j'ai l'habitude d'acheter en supermarché, par exemple, ne sont pas toujours présents, parce que les systèmes de distribution sont perturbés.
Pour les produits frais, par exemple, le magasin n'a tout simplement pas été livré en fin de semaine dernière, parce que la plupart des fruits et légumes viennent d'Espagne et d'Italie, deux pays gravement touchés par le Covid-19 et totalement confinés. Donc les marchandises n'arrivent plus chez nous, bien sûr. Ou au compte-goutte, de manière temporaire ou plus durable.
Alors j'apprends à découvrir d'autres produits, à chercher par quoi remplacer... Parfois c'est mieux, parfois c'est plus cher, parfois moins, parfois c'est moins bon, parfois il faudra attendre une autre semaine que le produit soit à nouveau disponible. En attendant, je peux prendre carrément autre chose, ou bien me priver de ce que je voulais acheter et que j'achète par habitude.
Ou comment le Covid-19 me rappelle le jeûne...

Deuxième aspect de ce problème de pénurie : son corollaire, le rationnement. À la maison, nous mangeons beaucoup de fruits et de légumes. Et bien sûr, en période de pénurie, surtout de produits frais, il y en a moins. Alors nous sommes obligés d'apprendre à manger moins, aussi. Mercredi, les enfants voulaient manger des pommes caramélisées à la poêle, avec beurre, sucre et cannelle. En ce 25 mars, solennité de l'Annonciation, j'ai autorisé ce dessert plus festif que d'habitude. L'une de mes filles, qui aime particulièrement ce dessert, m'a demandé si elle pouvait manger une deuxième pomme. J'ai du refuser, pour que tout le monde, à la maison, puisse avoir assez de fruits jusqu'au prochain ravitaillement, deux jours plus tard.
Nous vivons, par habitude, dans un monde et un pays où il n'y a qu'à se rendre dans un supermarché quand il n'y a plus de fruits, de légumes, de pâtes ou de sauce tomate. Et là, brusquement, nous découvrons ahuris ce que des millions de personnes vivent au quotidien : l'accès à la nourriture, même s'il est facile dans notre pays, y compris en temps de confinement, n'est pas infini. La nourriture a besoin de soins, des mains des producteurs pour terminer dans nos assiettes. Elle a besoin du travail de l'agriculteur, de celui qui va récolter les fruits, les asperges et les pommes de terre. Et si cet agriculteur est tombé malade, ou si son tracteur est en panne et que la pièce manquante ne peut être montée parce qu'elle n'a pas pu être expédiée de Chine, où elle est fabriquée, l'accès à la nourriture produite par cet agriculteur va être plus compliqué.
Ou comment le Covid-19 me rappelle la tempérance...

Et puis, la crise que nous traversons ne vient certainement pas de nulle part. En novembre 2019, nos hôpitaux faisaient déjà face à une autre épidémie, celle de la bronchiolite, durant laquelle certains enfants ont dû être hospitalisés à plusieurs dizaines de kilomètres de leurs familles, faute de lits ou d'hôpitaux à proximité de chez eux. Et déjà, depuis plusieurs mois, depuis un an, en fait, les services d'urgences sont en grève pour réclamer du personnel, des moyens financiers, des lits, du matériel. Je m'en souviens parfaitement, parce que l'été dernier, avec mon mari, nous avons passé une après-midi entière avec notre fille à l'hôpital, en attente d'un médecin disponible pour réaliser une radiographie. Et encore, nous nous sommes estimés heureux de n'avoir pas trop attendu à l'époque. En plein mois d'août, nous n'avons patienté que trois heures dans la salle d'attente.
On peut déjà s'interroger sur les causes de la crise sanitaire que nous vivons. Son aspect le plus évident, c'est le manque de lits, de personnel, de matériel médical, de masques, d'équipements de protection (blouse, gel hydroalcoolique...). Pourquoi ?
Est-ce que nos hôpitaux ne savent pas gérer les stocks ? Est-ce qu'il n'y a plus assez de candidats aux professions médicales ? Est-ce qu'il n'y a pas assez de postes disponibles ? Les métiers du soin sont-ils trop durs physiquement ? moralement ? Nos soignants gagnent-ils bien et assez leur vie ?
On peut toujours gloser sur ces grands "pontes" des hôpitaux universitaires, qui gagnent largement de quoi vivre. Qu'en est-il du brancardier ? De l'infirmier ou de l'infirmière ? De l'aide-soignant(e) ? De l'interne ? Du ou de la secrétaire médical(e) chargé(e) d'accueillir les patients dans nos hôpitaux ?
On reparle beaucoup, en ce moment, de l'épidémie de grippe A H1N1 et des coups que Roselyne Bachelot a pu prendre quand elle a passé des commandes importantes de masques et de vaccins contre cette fameuse grippe. Face à un risque important d'épidémie, de morts, elle avait décidé de faire ce que n'ont plus jamais fait, depuis, nos responsables politiques : avoir les moyens de protéger la population face à un risque non négligeable d'épidémie.
À l'époque (et j'étais parmi ceux qui doutaient du bien fondé des décisions qu'elle avait prises), elle avait été vivement critiquée pour le coût financier de ces mesures de protection.
Et aujourd'hui, on voit où nous conduit la logique comptable qui fait office de politique de santé publique : le drame. Des milliers de morts dans le monde, plus de mille à l'heure où j'écris ces lignes, en France... des milliers de personnes en réanimation, des milliers aussi qui ne sont plus admis à l'hôpital parce que leurs chances de survies sont minimes et qu'il faut garder les respirateurs et les lits de réanimation pour les patients qui ont des chances de s'en sortir...
Ou comment le Covid-19 nous réapprend la valeur de la vie humaine...

J'ai entendu l'autre jour un scientifique, philosophe, qui commence à se faire connaître sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas assez calée en sciences pour savoir si ce qu'il dit est valable, mais il a émis une théorie qui m'a interpellée, où il soutient que ce virus ne vient pas de nulle part. Le virus lui-même est apparu en Chine, il aurait pu sans doute apparaître ailleurs. La théorie de ce scientifique, c'est que de nouveaux virus, plus ou moins virulents, vont suivre celui-ci, parce que la destruction de notre environnement favorise une plus grande promiscuité entre les espèces. Ce virus existait sans doute déjà auparavant. Il n'est pas né en décembre 2019. Il est arrivé à ce moment-là, parce que le "lieu" où il était s'est retrouvé en contact avec l'être humain à un moment donné, en décembre 2019, alors que ce n'était le cas auparavant. Ce même scientifique soutient, preuves à l'appui, que la crise que nous traversons nous semblera bien légère dans quelques temps, quand nous serons au creux de la vague, puisque nous sommes en train de vivre, dans le silence et l'indifférence quasi-totale, la sixième extinction de masse à l'échelle planétaire...
Ou comment le Covid-19 nous rappelle que notre "maison commune" est en train de brûler et que nous ne faisons rien pour éteindre l'incendie...

Alors, me direz-vous, et la foi dans tout cela ? Parce que c'est plutôt alarmiste, comme tableau, non ?

Je vois, actuellement, des élans de solidarité impressionnants, de personnes qui ne sont pas malades et qui font les courses pour les familles du voisinage, dont des personnes âgées, qui ne peuvent plus sortir de chez elles.
Je vois des messages de solidarité, des applaudissements, des initiatives de commerçants à l'égard des soignants, des médecins, des malades.
Eux ont compris la valeur de la vie humaine et ne se trompent pas quand il s'agit de savoir vers qui ils doivent se tourner et qui remercier pour la préservation de cette vie. De leurs vies, tout simplement.
Je me dis, ce soir, que l'être humain, en cas de coup dur, est capable de bienveillance, de solidarité, d'humanité tout simplement. Capable aussi, bien sûr, d'égoïsme, de repli sur soi, de mensonge... afin de sauver sa propre vie.
En l'homme, il y a toujours du blanc et du noir. Nul n'échappe au péché. Et il n'est pas du tout dans mon intention de critiquer telle ou telle personne pour telle ou telle attitude. Oui, il y a des réactions stupides. Et pourtant, chacun est capable d'avoir une attitude digne et bienveillante, altruiste.

Alors la foi ?

Ce matin, vendredi 27 mars, je suis allée prier dans l'église que j'ai pour mission d'ouvrir tous les jours, afin qu'elle reste ouverte durant le confinement, pour permettre à ceux qui le souhaitent de pouvoir s'y rendre, à tout moment de la journée, au cours de leur promenade. J'ai d'abord vécu un beau temps de louange, une sorte de joie intérieure d'être simplement devant le tabernacle de l'église. Alors que nous n'avons plus de célébration eucharistique depuis le 14 mars, je vis douloureusement la privation des sacrements. Et aujourd'hui, j'ai fait en quelque sorte l'expérience de la joie simple et de la consolation, devant le tabernacle, fût-il fermé.
Puis j'ai vu un SMS d'une de mes amies, aide-soignante à l'hôpital de la ville voisine de mon village. Elle y décrivait ce qu'elle vivait, comme tous les soignants. Des situations dramatiques et des conditions de travail qui lui font craindre, faute de moyens pour se protéger et protéger les patients dont elle a la charge, d'être elle-même vecteur de contamination et de devoir sans doute affronter, avec ses collègues, une vague de décès des personnes hospitalisées, y compris pour autre chose, au départ, que le Covid-19.
J'ai ressenti alors une vague de détresse, de tristesse m'envahir, qui m'a invitée à me tourner vers Marie, seul recours face à ces situations difficiles, dramatiques, que vivent nos soignants.
La foi ne guérit pas, ne protège pas contre le virus, ce n'est pas une assurance tous risques face à la maladie ou aux divers drames qui émaillent nos vies quotidiennes. Et pour autant, elle est loin, très loin d'être inutile. J'ai eu l'image, ce matin, d'une ligne de front. A l'avant, en première ligne, les soignants, qui prennent de plein fouet, chez nous, en Alsace, en particulier, l'épidémie qui n'en finit pas de faire des victimes. À l'arrière, les habitants de ce pays, confinés dans leurs maisons, espérant que cela suffira pour éviter la propagation de la maladie, avec des chances de succès tout à fait aléatoires. Enfin, parmi eux, des hommes et des femmes, pas plus protégés contre ce fléau, qui invoquent le ciel, les anges, les saints, Marie, Dieu, qui implorent le Seigneur de faire cesser cette épidémie, ces morts... Qui implorent l'Esprit Saint d'aider les chercheurs, de leur donner un coup de pouce, une inspiration, une idée, afin qu'ils trouvent rapidement un traitement, un vaccin ou au moins quelque chose qui puisse aider à vaincre cette maladie.

Ceux qui ne sont pas croyants diront sans doute que tout cela ne sert à rien.
Peut-être.
Et peut-être pas.

Peut-être que, justement, la prière est le seul secours que nous pouvons encore trouver. Implorer Dieu alors qu'on l'a mis dehors, qu'on l'a "viré" manu militari de nos mairies, écoles, hôpitaux... n'est-ce pas un peu hypocrite ?
Pourtant, il y a tous ces récits, toutes ces histoires de guérisons, d'épidémies stoppées grâce à la prière, à l'intercession de Marie auprès du Père pour arrêter l'expansion d'une épidémie de peste... Et puis, tous n'ont pas "viré" Dieu de leur vie. Il reste la troisième ligne, celle des priants, qu'ils soient religieux et religieuses, moines et moniales, cloîtrés ou non, prêtres, laïcs... qui prient inlassablement pour le monde, pour la paix dans le monde, pour plus de justice...Cette ligne-là tient. Et ne fait pas, d'ailleurs, que prier. Elle participe à sa manière à l'"effort de guerre". Les religieuses, cloîtrées pour certaines, se sont mises à fabriquer des masques, en Italie comme en Espagne, par exemple.

Quand on vit une situation aussi dramatique, aussi traumatisante, il faut bien sûr trouver des médecins qui vont soigner les corps. Qui vont soulager les souffrances, donner de l'oxygène, aider.
Et face aux décès, aux détresses d'ordre non pas physique mais d'ordre spirituel, il faut aussi prendre soin de ceux qui souffrent, de ceux qui ont peur... On peut faire appel aux psychologues, bien sûr. Mais quand on entre en période de confinement, est-ce encore possible ?
C'est là que la foi, la prière peuvent jouer un grand rôle pour soutenir, aider, donner un autre sens. La prière se joue des murs, des distances, des confinements, du temps, des heures, des jours. Et elle est efficace, pour peu qu'on ait une once de confiance.

Où cela va-t-il nous amener ? Je n'en ai aucune idée.
Ce que je sais, c'est que, pour moi, la prière, la confiance en Dieu est un véritable réconfort. Oh je ne dis pas que si la situation venait à s'aggraver pour mes proches ou pour moi, je n'entrerais pas en véritable panique. Mais je garde l'espérance.
Ce qui arrive en ce moment est un drame, une catastrophe. Des centaines de morts chaque jour, en Italie, en France, en Espagne et partout ailleurs dans le monde. Plus de 170 pays atteints. Autant dire le monde entier.
Quel sens cela a-t-il ? Dieu peut-il être tenu pour responsable ? Certains justifient leur incroyance par le fait que Dieu ne devrait pas permettre de telles choses. Mais d'où viennent les problèmes, sinon de l'organisation humaine, de l'inconséquence de certaines politiques et prises de décisions ? Dieu peut-il réellement être tenu pour responsable quand une partie du problème vient du fait qu'il y a une pénurie de masques parce que, pour des raisons financières en grande partie, on n'a pas jugé utile de reconstituer des stocks suffisants ? Quand 80% des molécules de nos médicaments sont fabriqués en Chine pour des raisons d'économies ? Quand nos outils de production ont disparu parce que, toujours pour des questions d'argent, on a préféré délocaliser nos usines pour faire plus de profit ? Quand nos activités sont devenues internationales, multipliant les contacts, amplifiant les connexions, les importations d'insectes via les avions de ligne ou les conteneurs qui transportent biens et matériels sur tous les océans...

"Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent", dit Jésus dans l’Évangile. Cette épidémie, pour ceux qui y survivront, est sûrement une occasion de changer radicalement notre manière de vivre. De stopper notre arrogance, notre sentiment de toute-puissance sur notre environnement, sur nos lieux de vie. De revenir à des modes de vie plus sains, plus sobres, moins gourmands en énergie... et plus respectueux de la vie humaine, tout simplement.
En ce temps de Carême exceptionnel, nous sommes appelés à la conversion. Se convertir, c'est se retourner, à 180°, changer radicalement de vie. Et quand on voit, aujourd'hui, la fragilité de la vie humaine, il est sans doute plus que temps d'opérer cette conversion, de vivre tout simplement autrement.
Et d'y inclure Dieu, aussi...

samedi 21 mars 2020

La foi à l'épreuve du Covid-19

Il y a un peu plus de dix jours, j'écrivais ici un billet de blog qui, rétrospectivement, me semble hallucinant de naïveté, d'incompréhension et de légèreté (je l'ai relu tout à l'heure, avant d'écrire celui-ci).
Depuis cinq jours maintenant, nous sommes passés à la phase de confinement, pas uniquement pour le Bas-Rhin, mais pour la France entière. Quand notre Président de la République a annoncé cette mesure, j'avoue avoir été à la fois rassurée et effarée. Rassurée, parce que cela semblait signifier que nos autorités avaient enfin pris la mesure du problème et décidé de prendre les choses au sérieux. Effarée aussi, parce qu'il me semble que c'était déjà bien trop tard pour prendre ce genre de mesures. Surtout dans un contexte où on nous dit en même temps de ne plus sortir de chez nous et d'aller voter.

Bref. L'objet de ce billet n'est absolument pas de fustiger le gouvernement, même s'il y aurait des choses à dire. Par exemple, sur le fait que le 15 du Bas-Rhin incitait à continuer à mener une vie normale, ce qui tend à montrer qu'à ce moment-là, la politique était de favoriser la fameuse immunité de groupe (1), celle qui permet à environ les deux tiers de la population de contracter la maladie et, pour ceux qui y survivront, de développer l'immunité spécifique à ce virus. Dans ce cas-là, il faut s'attendre à ce que la population tombe massivement malade, et donc avoir un système de santé capable d'absorber l'afflux des patients, donc avec suffisamment de personnel en bonne santé, de lits, de matériel de protection, de réanimateurs et de système respiratoires pour ne pas tous les condamner à une mort quasi certaine.
Sauf qu'en France, comme en Grande-Bretagne (où c'est la stratégie adoptée ouvertement par Boris Johnson, qui a fait machine arrière hier) et en Italie (où la situation est dramatique maintenant, dépassant en nombre de victimes le nombre de morts officiels de la Chine, avec une population nettement moins importante : 60 millions d'habitants en Italie, 1,3 milliards en Chine), la destruction massive des services de santé publique font que cette stratégie est suicidaire, puisque des personnes malades, qui pourraient être sauvées si les équipements étaient présents, ne le sont pas, faute de matériel...

Donc, maintenant, nous sommes confinés à la maison. Et mes projections naïves du 9 mars ont volé en éclats.
La réalité du confinement, c'est quatre enfants à la maison qu'il faut rassurer. Ce sont des symptômes divers et variés (maux de gorge, de dos, d'oreille, toux sèche ou grasse, fièvre ou pas, rhume qui vient et qui repart...). Tous ces symptômes sont temporaires, sans doute cycliques, pas graves en soi, mais dont on ne connaît ni ne maîtrise l'évolution dans le temps.
C'est aussi les angoisses des enfants face à l'engorgement d'Internet ("Maman ! Je n'arrive pas à me connecter à MBN (2) ! Comment je vais faire pour avoir les cours et les devoirs ?") et l'impossible accès aux ressources des enseignants, pourtant mises en ligne, quand il n'y a pas de bug, bien sûr.
C'est aussi l'école à la maison pour ma quatrième, en classe de CP, avec qui il est indispensable de rester durant tout le temps scolaire pour lui expliquer, lui réexpliquer, tenter de lui faire comprendre. Il faut être inventif quand on n'est pas enseignant, ou appeler des enseignants parmi les copains pour avoir des trucs pour contourner une difficulté.
Alors mes projets sont une fois de plus remis à plus tard. J'ai eu le temps de faire de la lessive et des tablettes pour le lave-vaisselle (parce qu'en 2019, j'ai décidé de réduire nos déchets, ce qui a été le cas d'ailleurs, puisque nous ne sortons la poubelle de recyclage qu'une fois par mois en moyenne et la poubelle des déchets non recyclables qu'une semaine sur deux). En revanche, je n'ai pas encore eu le temps de m'occuper des Tawashis. J'espère pouvoir profiter de ce premier week-end de confinement (où j'ai banni l'école !!!) pour me lancer.
Quant à mon roman, c'est pour l'instant de l'histoire ancienne, tant le quotidien est prenant.

Et la foi, dans tout ça ?

Ben ça aussi, c'est compliqué. D'abord parce qu'il n'y a plus de messe, ni en semaine, ni le dimanche. J'avais l'habitude d'y aller chaque fois que je pouvais, mais c'est terminé. Le premier dimanche, ça a été très bizarre. Le lundi 16, ça ne changeait rien, puisque c'est le jour de congé de nos prêtres, alors c'était comme d'habitude. Mais le mardi 17, jour du confinement, ça a été un peu plus dur.
J'ai la "mission", dans mon village, d'ouvrir l'église depuis le mois de novembre 2018, le matin. Or, cette mission, pour l'instant, est maintenue à la demande de l'archevêque, pour permettre aux gens du village de venir se recueillir dans la journée. Alors tous les matins, vers huit heures, je vais à l'église. J'y vais tôt pour que l'église soit ouverte le plus possible et aussi pour ne pas croiser trop de monde, confinement oblige. Et puis, huit heures, c'était l'heure à laquelle j'ouvrais, avant la fermeture des écoles le 16 mars, puisque j'y allais après avoir conduit ma fille à l'école. Donc j'essaie de garder le même rythme pour les gens du village.
Sauf que mardi, quand je me suis retrouvée seule devant l'autel, j'ai senti le manque. Manque de messe, de contacts, d'eucharistie, de salutations, de personnes, tout simplement. Je me suis tournée vers le tabernacle avec un sentiment étrange d'abandon. La communion, l'eucharistie, pour moi, c'est quelque chose de vraiment très important, une nourriture spirituelle encore plus importante que la nourriture terrestre. Or cette nourriture vient à manquer, non pas parce qu'elle n'est pas là (le tabernacle est là, les hosties consacrées y sont présentes) mais parce que la messe ne peut pas être dite. Il reste la communion spirituelle, et c'est ce que je découvre en ce moment. J'en reparlerai peut-être ici plus tard.
C'est compliqué aussi, parce que la situation inédite et difficile que nous vivons est anxiogène (surtout ici, en Alsace, où la situation sanitaire est vraiment très difficile) et invite plus au repli sur soi et à la colère et/ou l'accusation gratuite face à l'irresponsabilité de certains qu'à la bienveillance envers le prochain. Le confinement imposé est aussi un frein aux manifestations habituelles de solidarité et de soutien, qu'il faut du coup réinventer. Si, en ce moment, je suis plutôt bien portante, rien ne dit que je ne suis pas porteuse du virus. Je ne peux donc pas venir en aide à mes voisins et voisines âgés, puisqu'en venant chez eux, je risquerais de leur transmettre ce virus. Il faut donc contourner le problème, inventer d'autres moyens, parler aux voisins les plus proches par les fenêtres ouvertes, d'un jardin à l'autre ou depuis l'autre côté de la rue. De même, comme nous sommes potentiellement infectés, je découvre aussi le fait d'avoir besoin des autres. Habituellement, nous allons dans un village voisin, toutes les semaines, pour y acheter du beurre et du fromage. Juste à côté, il y a aussi notre AMAP, et nous y allons pour une autre famille, qui habite aussi le village, et parfois pour une troisième personne qui est infirmière et ne peut pas toujours se rendre sur place à cause de son travail.
Sauf que là, mercredi dernier, je me suis vue dans l'obligation de demander de l'aide. Demander à l'autre famille d'aller chercher beurre, fromage et légumes pour nous, par crainte de transmettre la maladie à ceux qui nous nourrissent au quotidien. Ce serait quand même le comble de les rendre malades !

Le manque de l'eucharistie, le besoin de l'autre et la demande humble d'un service essentiel à ceux qui peuvent nous le rendre.
Et puis, ce matin, toujours devant le tabernacle, je me suis rendu compte que mon cœur avait besoin d'être purifié pour que la rancœur, la rancune, la colère ne s'y installent pas. Tous ces sentiments négatifs sont présents quand je vois l'inconscience de certains, l'irresponsabilité d'autres qui ont profité du confinement pour aller se mettre "au vert" au bord de la mer ou à la campagne, avec le risque avéré de propager le virus, notamment dans les îles bretonnes, où les équipements sanitaires sont très faibles comparés à ceux qui existent sur le continent. Si ces personnes sont malades et transmettent le virus, il y a fort à parier que la situation là-bas va devenir très vite critique. La tentation est donc très grande de crier à l'irresponsabilité de ceux qui ont décidé de fuir la capitale et leur mini-appartement... ce qu'en plus, je peux comprendre, vu la réalité du confinement, surtout quand on a des enfants.
Seulement, si je laisse la colère ou la rancœur m'envahir, alors je risque fort de tomber dans la haine de mon prochain et le repli sur moi-même, la protection de mes proches uniquement, l'égoïsme et la déshumanisation. Or c'est justement le contraire du message évangélique, ça. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus le dit bien : "Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent". Et mon ennemi, en ce moment, c'est potentiellement tout le monde, y compris mon mari ou mes enfants, d'ailleurs. Alors si Jésus me demande de prier pour eux, ce n'est pas optionnel, normalement. C'est donc une nouvelle manière de comprendre ma relation aux autres que je dois entamer. Surtout en ces temps difficiles. Et ça, il n'y a que par la prière que c'est possible.

Parce que la dernière chose que j'apprends en ce moment, c'est aussi que ma foi est vraiment très petite. C'est facile de croire, quand tout va bien, à la limite. C'est beaucoup plus compliqué de faire confiance en Dieu quand on ne comprend pas ce qui se passe, quand on est potentiellement en danger (soi-même ou nos plus proches, mari, enfants, amis, voisins)... Et pourtant, c'est ça, la foi, finalement : la confiance, l'abandon à la volonté de Dieu. Dur, dur.
Certains se demandent où est Dieu. Certains pensent que c'est Dieu lui-même qui a envoyé ce virus pour punir les hommes de saccager la planète qu'il nous a confiée. Où est Dieu ? Pourquoi ne nous vient-il pas en aide ? Pourquoi permet-il ces morts, par milliers, innocents, simples personnes s'étant trouvées là et ayant contracté le virus en vivant, simplement, aux côtés d'autres personnes ?
Où donc est Dieu, dans cette crise mondiale, sans doute la plus grave que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre Mondiale ?
Où donc est Dieu ?

Et puis, il y a ces messages. D'un côté, ceux qui relaient l'égoïsme de certains, de l'autre, ceux qui montrent la bienveillance, l'altruisme, la reconnaissance, envers nos soignants, bien sûr, mais aussi envers les employés des services de ramassage des ordures, des supermarchés, envers les agriculteurs, ceux qui continuent de travailler pour que le pays continue à tourner, pour que nous n'ayons pas de problème d'approvisionnement, pour que nous ayons à manger tous les jours.

Pour moi, c'est tout simplement là qu'est Dieu. Il est dans ces personnes qui continuent à travailler chaque jour, pour soigner les malades, nourrir ceux qui sont encore debout mais confinés chez eux pour ne pas rendre encore plus de personnes malades. Il est dans ces policiers qui contrôlent sans relâche ceux qui sont dehors pour contrer cette épidémie qui se répand à une vitesse folle. Il est dans les applaudissements, bien dérisoires, que nous faisons résonner à nos fenêtres, à vingt heures, le soir, pour signifier à ceux qui sont en première ligne combien nous sommes reconnaissants des sacrifices qu'ils font pour nous. Il est, aussi, dans ceux qui recherchent activement des solutions pour combattre cette maladie : traitements, vaccin... Il est dans toutes ces initiatives que prennent nos prêtres pour continuer à garder le lien avec leurs paroissiens, dans ces bénédictions du haut des collines surplombant nos villes et nos villages, dans ces "drive-confessions" sur les parkings pour permettre à ceux qui le souhaitent de recevoir, en ce temps de Carême, le sacrement de la réconciliation depuis leur voiture, sans se mettre en danger ni mettre en danger le prêtre qui va recevoir leur confession et leur donner l'absolution de leurs péchés. Il est dans ces prêtres qui filment en direct les messes qu'ils célèbrent en privé pour que leurs paroissiens puissent prier avec eux.
Les êtres humains sont capables du pire. Mais ils sont capables aussi d'humanité, de bienveillance, de tendresse, même à travers un écran ou à distance. Ils sont porteurs d'espérance, de vie, de joie, de paix.

Seigneur, prends pitié de ton peuple, prends pitié de nous. Nous ne savons pas quelle est Ta volonté, mais nous savons qu'elle est bonne. Merci pour toutes ces marques de sympathie, de joie, de tendresse, de soutien, de bienveillance, d'humanité, d'amour. Donne courage à nos soignants et à tous ceux qui prennent soin de nous par leur travail quotidien. Donne courage aussi à nos dirigeants, afin qu'ils prennent les décisions indispensables afin de préserver le plus de vies possible dans la crise que nous traversons. Éclaire-nous, tous, par ton Esprit-Saint, afin que nous puissions tirer les leçons de cette crise et changer les comportements qui doivent l'être, afin de faire de ce monde un monde plus beau, plus juste, plus fraternel.
Et afin de nous tourner vers Toi, qui es notre Père et qui nous aime infiniment.
Seigneur, protège notre foi. Que nous ne lâchions jamais Ta main.
Amen.

______________________________________________________
(1) Voir la vidéo suivante pour une excellente explication : https://www.youtube.com/watch?v=-FHBgWZ3IU0
(2) Pour Mon Bureau Numérique, la plate-forme internet de l'Education Nationale, qui permet aux enseignants et aux élèves, ainsi qu'à leurs parents, de communiquer plus simplement (messagerie sécurisée, envoi de documents, cahier de texte avec les devoirs, relevé des notes, etc.).

lundi 9 mars 2020

Coronavirus, bienvenue en Absurdie !!!

Cela fait un moment que je n'ai pas eu le temps de publier ici. Dommage, car entre les Gilets Jaunes, la réforme des retraites et les histoires grivoises de Griveaux, il y aurait eu de quoi. Mais bon, il faut croire que le temps passe désormais trop vite pour être sur tous les fronts... alors je vais me contenter du virus qui occupe en ce moment tous les esprits : le Covid19, plus connu, pour l'instant, sous le nom de Coronavirus.

Alors je ne vais pas faire l'affront à mes lecteurs de croire que je vais leur apprendre quelque chose. On parle tellement de ce virus partout (sur les plateaux de télévision, dans les documentaires d'Arte, dans les journaux, à la radio, sur les réseaux sociaux...) que je pense que vous en savez même plus que moi.
En revanche, vous ne savez sans doute pas ce qui se passe ici, en Alsace, où la gestion de la crise tend de plus en plus vers l'absurde, l'hallucinant et l'incompréhensible.
Petites précisions : j'habite dans le Centre-Alsace, dans le Bas-Rhin, à quelques kilomètres seulement du Haut-Rhin. Et comme le nuage radioactif de Tchernobyl avait pu, finalement, passer la frontière, il va de soi que le virus Covid19 a lui aussi fait fi de nos limites administratives. En gros, il s'en fiche totalement, ce qui prouve qu'il est tout à fait normal. Et qu'il est donc illusoire, pour nos pouvoirs publics, de tenter de limiter son expansion tout en continuant à autoriser les déplacements des personnes qui en sont potentiellement porteuses. Première absurdité, donc.

Depuis ce matin, mais c'était annoncé au début du week-end, les écoles (crèches, écoles primaires et maternelles, collèges et lycées) du Haut-Rhin sont toutes fermées pour éviter la propagation de Corona. Cette mesure paraît plutôt sensée, quand on sait que le Haut-Rhin fait partie des départements les plus touchés en France. Tout aussi logiquement, les enseignants et les élèves habitant dans le Bas-Rhin et allant au lycée, au collège ou à l'école dans le Haut-Rhin (et il y en a pas mal, en Centre-Alsace, de ces "transfrontaliers"), sont priés de rester chez eux, puisque leurs établissements respectifs sont tous fermés.
Ce qui semble un peu plus compliqué et un peu moins logique, c'est que cette mesure de non-déplacement est valable aussi dans l'autre sens : les élèves et enseignants habitant dans le Haut-Rhin, mais enseignant ou étant scolarisés dans le Bas-Rhin, non concerné par la fermeture des établissements, sont priés également de rester chez eux, toujours pour éviter la propagation de notre copain Corona, même s'ils sont en bonne santé (on ne sait jamais, hein, et on n'est jamais trop prudent quand il s'agit d'une épidémie, que dis-je ! D'une pandémie !!!, qui plus est mortelle pour un certain nombre de personnes quand même).
Soit. On peut comprendre la logique, il s'agit de confiner les Hauts-Rhinois, potentiellement plus à risque que les Bas-Rhinois, en espérant que l'épidémie ne s'étendra pas trop hors des frontières du 68.

Sauf qu'il y a quand même un léger problème. Et surtout une sorte de double discours. Vendredi soir, une de mes amies, enseignante dans le Bas-Rhin, en CLIS (CLasse d'Inclusion Scolaire, destinée aux enfants handicapés en particulier) a présenté des symptômes du type Corona. Etant vaccinée contre la grippe, il était peu probable que ce soit ça. Alors elle a suivi les recommandations officielles. Bien sûr, il n'était pas question de se rendre chez le médecin ou à l'hôpital, au risque de contaminer tout le monde. En bonne citoyenne respectueuse des lois, elle a donc appelé le 15 et a eu un médecin au téléphone, à qui elle a décrit ses symptômes et à qui elle a précisé son état vaccinal. La réponse du médecin a été à la fois scotchante, hallucinante et délirante (selon moi, mais qui suis-je, pour juger de l'état de santé mentale du médecin ? On va donc dire, simplement, que cette réponse m'a paru, pour le moins, assez étrange).
Il lui a dit, grosso modo, que nous étions sur le point d'entrer en phase aiguë d'épidémie. Donc, qu'il fallait être pragmatique. Un cachet de Paracétamol toutes les six heures pour la fièvre, et "sinon, Madame, vivez comme d'habitude, normalement". Ce qui veut dire qu'elle peut continuer à travailler, à faire ses courses, à rendre visite aux voisins et voisines, y compris les personnes âgées (nous vivons dans un village). Ce type de recommandations, dans des circonstances telles que celles que nous connaissons aujourd'hui, où la majeure partie des décès sont plutôt ceux de personnes âgées ou fragilisées par des pathologies sous-jacentes (maladies cardiaques, pulmonaires, etc.), peut donc paraître, à première vue, pour le moins légère.
Dans le cas de notre amie, récapitulons : elle est enseignante, en CLIS, au contact d'enfants dont certains sont trisomiques (donc avec des complications cardiaques avérées pour certains d'entre eux) et handicapés, donc pas trop à même de suivre à la lettre les recommandations d'hygiène données par les instances sanitaires. De quoi propager plutôt rapidement le virus si elle venait à être réellement infectée. Mais là encore, c'est compliqué de le savoir : il n'y a pas de tests pratiqués, en tout cas dans le Bas-Rhin, sur des personnes qui ne présentent pas un état de santé suffisamment grave et nécessitant une hospitalisation. Donc, on peut penser que le nombre de personnes réellement infectées par ce virus est bien plus élevé que celui qui est officiellement annoncé. J'ai lu, hier, que seuls 15% des malades nécessitaient une hospitalisation pour des complications pulmonaires. Donc que seuls 15% des malades sont réellement testés et diagnostiqués. Ce qui veut dire quand même qu'il y a 85% des malades qui ne savent pas si, oui ou non, ils sont porteurs de ce virus. Ça laisse rêveur, non ?
Mais bon, Messieurs-Dames, circulez, y'a rien à voir !

Alors là, du coup, je me pose quelques questions basiques, parce que certains faits heurtent ma logique et mon bon-sens (ou alors je ne suis ni logique, ni douée de bon-sens, ou bien encore, ma logique et mon bon-sens ne sont pas du tout les mêmes que ceux de nos dirigeants, les trois hypothèses étant, d'ailleurs, tout à fait plausibles).

Donc, je me dis que pour éviter la propagation d'un virus, la moindre des choses, c'est d'éviter que des personnes potentiellement infectées soit au contact d'autres personnes qui pourraient mourir de ce virus (les personnes âgées, les personnes fragiles, ceux qui souffrent de pathologies lourdes ou associées). Mais quand on pose la question au 15 du Bas-Rhin, la réponse est qu'il vaut mieux continuer à vivre normalement, puisque nous allons de toute façon tous passer par ce virus, tous être infectés, alors autant que ça se passe le plus vite possible, comme ça, ça durera moins longtemps. Une fois que tout le monde aura été atteint, ceux qui auront survécu pourront reprendre une vie normale...
Mouais. Ça, c'est une logique qui m'embête pas mal, même si je comprends le côté pragmatique (sur le mode "on ne peut rien faire pour contrer l'épidémie, alors autant l'affronter une bonne fois, vous en faites pas, ça va bien se passer") (méthode Coué, quoi), parce qu'elle condamne de fait les personnes les plus fragiles, les plus malades, les plus âgées. Et ben moi, je trouve ça parfaitement dég*******e, si vous voyez ce que je veux dire.

Deuxième question que je me pose : on pourrait quand même tester les malades qui se signalent, ne serait-ce que pour pouvoir les traiter correctement. Parce que les symptômes, ils sont plutôt simples : toux, fièvre, nez qui coule, mal de gorge. Il me semble que ça peut avoir pour cause un certain nombre de maladies, dont certaines sont plutôt bénignes, d'autres moins. On peut penser à la bronchite, à la pneumonie, à la grippe, bien sûr, à une simple angine, à une trachéite, à un rhume un peu costaud... Il est vrai que le paracétamol doit fonctionner dans tous les cas, pour faire baisser la fièvre en particulier et diminuer les éventuelles douleurs, mais, par exemple, entre une bronchite et une trachéite, comme ce n'est pas le même type de toux (grasse dans le cas de la bronchite, sèche pour une trachéite), le médicament ne doit pas être le même... sous peine d'aggraver les choses ou d'empêcher la maladie d'évoluer favorablement et de passer toute seule. Pour ce qui est de la grippe, de toute façon, c'est bien connu : "une grippe, c'est une semaine au lit avec du paracétamol, ou une semaine au lit sans paracétamol". C'est donc toi qui choisit...
En revanche, les conséquences de ces maladies sont assez différentes : il faut être vraiment hyper fragile pour mourir d'une angine ou d'une bronchite. Mais la grippe, elle, tue entre huit mille et dix mille personnes par an, rien qu'en France, et on est actuellement en plein pic de l'épidémie de grippe. Ça vaut quand même le coup de savoir ce qu'il en est pour pouvoir surveiller et traiter au mieux, non ? Ben, en fait, la préfète du Bas-Rhin a jugé que non. Sans doute vaut-il mieux ne pas savoir. Comme on va tous y passer, et que le résultat, c'est la mort des plus fragiles (que ce soit de la grippe ou du Covid19), pourquoi chercher ? On a qu'à attendre, finalement. Si les personnes âgées meurent, c'est que c'est le Covid19, parce qu'elles sont souvent vaccinées contre la grippe. Si elles ne meurent pas, c'est parce que c'était autre chose... ou qu'elles ont eu du bol.
Alors je me demande si cette décision de ne pas tester les malades (sauf ceux qui sont assez malades pour nécessiter une hospitalisation) pouvait s'expliquer ? Par exemple, pour ne pas alarmer les gens ? Ou bien par manque de tests disponibles ? Ou bien encore si c'était un signe de fatalisme, sur le mode "on ne peut rien faire, parce que de toute façon, on n'a pas de traitement, donc même si c'est le Covid19, la seule chose qu'on peut faire, c'est donner du paracétamol et attendre, alors autant ne rien faire du tout, sauf dire de prendre du paracétamol toutes les six heures et attendre..." Aveu de faiblesse ? D'impuissance ? Si c'est ça, c'est grave !!!

Troisième question : qu'en est-il des systèmes de protection ? D'après ce que j'ai su, il existe deux types de masques pour se protéger : le type 1, réservé aux malades, le type 2, réservé aux soignants. Le type 1 est peu efficace, le type 2 l'est plus, mais les stocks sont quasi-inexistants, depuis que ceux qui avaient été constitués pour l'épidémie de grippe A H1N1 (non, vous n'avez pas pu l'oublier !) se sont révélés inutilisables, faute d'avoir été nécessaires pour lutter contre l'épidémie et utilisés avant d'arriver à péremption (parce que oui, apparemment, ce type de protection se périme). Et depuis, les ministres qui se sont succédés au Ministère de la Santé n'ont pas jugé nécessaire de les renouveler. Il n'y a donc pas de stocks de masques de type 2. Quant aux masques de type 1, il y en a peu aussi, et c'est pour cette raison qu'ils sont réservés aux malades déclarés. Parce que si on en donnait à tout le monde, ben... il n'y en aurait tout simplement pas assez, d'autant plus qu'il faut les changer très régulièrement, faute de quoi, ils deviennent de vraies passoires et ne servent plus à rien.
Ce qui m'amène à une autre question : comment un pays comme la France, normalement doué de financements conséquents, d'un bon système de protection sociale, d'hôpitaux performants, peut-il en arriver à un tel manque de préparation face à une crise comme celle que nous traversons ?
Ah... mais peut-être est-ce parce que les trois derniers gouvernants n'ont eu de cesse de démanteler les hôpitaux publics ? De supprimer des postes de soignants ? De geler les crédits ?
Peut-être est-ce du à la politique de flux tendus qui veut qu'on n'a pas de stocks, ni de médicaments, ni de matériel, parce qu'il suffit de les commander et qu'ils arrivent dans la demi-journée ?
Oui... sauf si le fabriquant est chinois et que la Chine est en quarantaine, avec les usines à l'arrêt, depuis... le déclenchement de l'épidémie, justement !
Apparemment, il y a des gens qui se sont mis à réfléchir et qui ont dit que ce serait bien de relocaliser la fabrication des médicaments, au moins des molécules de base, plutôt que de les faire venir de Chine, comme c'est le cas, actuellement, pour 80% des molécules des médicaments vendus dans le monde !
Et là, on peut vraiment dire "Vive la mondialisation !" Et aussi : "Mais en voilà, une idée qu'elle est bonne ! En plus, ça va peut-être permettre de réellement faire baisser le chômage en France, si on recrée des usines ! Youpi !!!"

Alors une autre question se fait jour dans mon esprit : si les "ordres" venus d'en haut (de l'Etat, pour être claire) sont de ne pas confiner les malades, au risque de propager la maladie encore plus vite, quelle est l'obscure raison qui les a fait arriver à prendre cette décision, sachant que cette maladie est très contagieuse, qu'elle fait quand même un certain nombre de morts et ne semble pas avoir envie de s'arrêter, ni même de ralentir, du moins en Europe ?
Il semblerait, selon certains analystes, que la raison soit purement économique. Si nous en arrivions à un scénario à la chinoise, ou à l'italienne, maintenant, avec des zones entières confinées, avec des millions de personnes sommées de rester chez elles, l'économie mondiale s'arrêterait sans doute net. Plus de consommation (ou très peu, limitée à l'essentiel), des indices boursiers en chute libre, des actionnaires dans la panade parce qu'ils perdraient énormément d'argent sur leurs portefeuilles d'actions... Mon Dieu ! Naaaaannnnn. Ce ne doit pas être ça, la raison. Il est impensable que notre gouvernement ait décidé de prémunir le pays d'une crise économique, au risque de lui faire vivre une crise sanitaire XXL, avec des dizaines de milliers de victimes potentielles ! Non. Ce n'est pas imaginable, ça. Il n'est pas du tout raisonnable de penser que la santé des personnes les plus fragiles, leur vie, même, soit sacrifiée sur l'autel de la mondialisation, de l'économie et du sacro-saint PIB !

Pourtant...
Non. Je ne vais pas pousser plus loin ma réflexion. Parce que les idées qui me viennent sont vraiment trop noires. Je me refuse tout net à y accorder du crédit, parce que ce serait à la fois ne plus avoir foi en l'être humain (ou au moins en ceux qui nous dirigent) et en même temps entrer dans un système de pensée complotiste ou conspirationniste. Et ça, vous savez bien que c'est l'insulte suprême, celle qui freine toute possibilité de réflexion hors des sentiers battus, celle qui discrédite absolument tout argument, si logique et réfléchi soit-il. En gros, si vous avez une idée qui pourrait tendre vers la découverte d'un complot, vous êtes foutu. Il vaut mieux vous taire, parce que de toute façon, vous serez à jamais discrédité et vos propos taxés de "fake news".

Pourtant, il y a des choses qui ne s'inventent pas.

Alors que la Chine était en pleine découverte de l'épidémie et où les morts s'accumulaient déjà par centaines, la France n'a rien trouvé de mieux que de rapatrier ses ressortissants auparavant coincés à Wuhan, le point de départ de l'épidémie. Je me demande bien pourquoi on ne les a pas mis en confinement en Chine, afin d'éviter d'importer le virus chez nous ? Un pays durement touché, ce n'était pas assez ? Il fallait que les malades potentiels viennent contaminer leurs familles restées en France et les militaires qui étaient chargés de leur rapatriement ?

Alors que les mesures du stade 2 de l'épidémie sont de confiner les personnes potentiellement porteuses de la maladie chez elles et de limiter les rassemblements, les consignes de sécurité ne s'appliquent pas du tout de la même manière dans tous les départements (voir plus haut), alors que le nombre de cas a encore augmenté pendant que j'écris ces lignes (à l'heure actuelle, 48 nouveaux cas (1) par rapport à hier à la même heure).
Si les voyages scolaires à destination de l'étranger (en particulier de l'Italie) avaient été annulés ou reportés il y a une dizaine de jours, il n'est apparemment plus question de limiter les déplacements parce que, de toute façon, le virus est présent en France. Alors un peu plus ou un peu moins, me direz-vous... ça ne devrait pas changer grand-chose !

De leur côté, les marchés boursiers s'effondrent : -8,39% à la Bourse de Paris, -7,69% à Londres, -7,94% à Francfort, à 18h aujourd'hui (1). De quoi faire paniquer nos actionnaires ! Parce que le problème, là, c'est que ce n'est pas comme en 2008, où la crise était d'origine financière. Elle a certes été rude, mais les Etats, l'Union Européenne en particulier, ont injecté des milliards d'euros pour sauver les banques et leur donner la possibilité de continuer à faire n'importe quoi sur les marchés boursiers, en toute impunité. Le principe, c'est que quand elles gagnent, elles récoltent tous les bénéfices, et quand elles perdent, se retrouvent dans la mouise, ce sont les Etats qui les renflouent. Ce système pervers s'appelle la privatisation des gains et la mutualisation des pertes (au final, l'argent donné par les Etats pour renflouer les banques vient... de la poche des citoyens, bien sûr). En tout cas, la situation commence à être un peu compliquée. Parce que là, injecter de l'argent ne va peut-être pas suffire, si le problème n'est pas financier mais économique et lié au fait que le trafic aérien est interrompu, au moins en partie, ou au fait que les usines ne tournent plus faute d'employés pour y assurer la production, que les chaines de production sont à l'arrêt parce qu'il ne sert à rien de produire des masques pour le monde entier si on ne peut pas les exporter à cause du confinement... Non, là, c'est un peu plus complexe quand même.

Et puis, pour en revenir à notre problème alsacien, il me semble quand même bizarre que, dans le Haut-Rhin, où le nombre de cas, ce soir, est de 193 confirmés, et 53 dans le Bas-Rhin (1), rien ne soit fait, dans le Bas-Rhin, pour limiter la contagion. Alors d'accord, il y a environ quatre fois plus de malades au sud de la région qu'au nord, mais vu la manière dont la crise est gérée dans le Bas-Rhin, ça ne va peut-être pas durer !
Du coup, je m'interroge. La suite, c'est quoi ? On attend de voir venir ? On panique ? On fait des réserves de nourriture, comme en temps de guerre, et on se cloître à la maison ? On s'organise entre voisins pour que ceux qui sont malades puissent être ravitaillés par les valides, au risque que ces derniers soient aussi contaminés ? On prend ça à la rigolade en se disant qu'il faut bien mourir de quelque chose ? On rationalise en se disant que cette maladie tue essentiellement des personnes âgées et que, coup de bol, on est dans la tranche en-dessous ? On continue à vivre tranquillement, sans rien changer à nos habitudes, pour qu'au moins l'économie ne se casse pas complètement la figure, ce qui serait tout aussi embêtant que de tomber tous malades ?

Pour l'instant, je préfère garder le sourire et rester optimiste. Je prépare mes cours, je retourne à l'école, je surveille mon état de santé, je ne serre plus les mains des gens que je croise, je ne fais plus de bises à mes amis, je continue à faire de gros câlins à mes enfants, sinon, je risquerais de provoquer de graves troubles émotionnels chez eux, qui seraient peut-être pires que le Corona pour leur santé globale, j'ai de quoi manger pour un peu plus d'une semaine à la maison, au cas où je tomberais malade et je serais incapable de faire des courses (que ce soit la grippe, le Corona ou un grosse bronchite, d'ailleurs !), et je surveille de pas trop près l'évolution de l'épidémie, histoire de ne pas entrer dans une psychose mortifère qui m'empêcherait carrément de vivre.

Après, si on entrait, chez nous, dans une période de confinement, je me dis que ça aurait aussi de bons côtés : j'aurais davantage de temps pour écrire mon roman, puisque je n'aurais plus de cours à préparer durant deux semaines et que je n'aurais plus d'allers et retours à faire pour aller à l'école, pour y emmener mes enfants ou aller les rechercher, que je n'aurais plus à honorer les rendez-vous médicaux, les rendez-vous chez l'orthophoniste ou le dentiste... Je pourrais aussi enfin trier les paquets de vêtements pour enfants reçus des voisins du village. Ou bien trouver enfin le temps de tester la fabrication de Tawashis, ces "éponges" en tissu recyclé venues directement du Japon (mais fabriquées par nos petites mains). Je pourrais renouveler mon stock de lessive "home-made" que je n'ai pas encore eu le temps de refaire, ainsi que mon shampoing maison, mes tablettes lave-vaisselle "made in chez-moi". Et puis, en cas de pénurie de pâtes, ne pas oublier que nous sommes en Alsace. Et en Alsace, il suffit de farine, d’œufs et d'eau, avec un peu de sel, pour fabriquer des... spaetzles ! Si ! Et en plus, c'est bon !!!!
Alors, c'est quand la fermeture des écoles, dans le Bas-Rhin aussi ? :)
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(1) : source : https://www.lci.fr/sante/en-direct-coronavirus-covid-19-le-ministre-de-la-culture-franck-riester-teste-positif-mais-en-forme-2143314.html